Ilona Gordien, stagiaire pour le CFSI d’avril à septembre 2022, nous raconte son expérience de 3 mois dans le nord du Togo auprès de la Coordination togolaise des organisations paysannes et des organisations de producteurs (CTOP). Son témoignage fait l’objet d’une série d’articles à découvrir dans les numéros de la lettre d’information du CFSI et est l’occasion de parler des projets soutenus par le CFSI en faveur du développement des cantines scolaires en Afrique de l’Ouest. Lire l’épisode 1 ici.
Après avoir passé un mois et demi à Lomé, l’arrivée à Guérin-Kouka marque mon entrée sur le terrain. Ce territoire a été choisi pour sa grande production de riz. Par ailleurs, l’État y a posé les limites d’une agropole – une zone d’activité à vocation agricole – en 2019. Les limites seulement. Des aménagements ont débuté, les arbres ont été déracinés. Mais la saison des pluies a commencé et plus personne n’a vu d’ouvrier sur l’agropole. Sans arbres, l’eau a ruisselé et détérioré les terrains. Complexité d’un monde où l’agriculture devient industrie.
Arpenter le terrain est indispensable pour comprendre son sujet, découvrir les acteurs de la filière et présenter son projet aux principaux concernés. D’après les producteurs de la zone, la production de riz dans la préfecture de Dankpen est largement suffisante pour couvrir les besoins des cantines scolaires et de la population locale. Les terres sont fertiles, la pluie inonde les plaines au bon moment. Seulement, les débouchés semblent faire défaut. Les semaines à Guérin-Kouka me permettront de comprendre les enjeux du problème.
Nous commençons toujours nos journées à la cafétéria du Carrefour du Rond-Point. « Chérie coco. Chérie jolie. Celle pour qui je travaille. Deux œufs dans un demi-pain avec Lipton lait Peak, s’il te plaît ». Rassasiés, nous partons sur les routes réaliser nos entretiens.
Ce matin, nous rencontrons les mamans cantines des écoles primaires publiques de Namab A et B. Elles prennent de leur temps aux champs (nous sommes en période de vacances scolaires) pour répondre à nos questions. Contractualiser en direct avec les producteurs de riz leur permettrait de contrer l’effet de fluctuation des prix sur leur portefeuille. Au moment de la récolte, vers octobre ou novembre le riz est peu cher sur le marché : environ 1 200 FCFA le bol de riz blanc et 1 000 FCFA celui de riz étuvé. Mais les prix augmentent avec le temps, atteignant 1 500 FCFA le bol de riz blanc et 1 350 celui de riz étuvé. En plus de cela, le riz devient vite indisponible lorsque la rentrée scolaire suivante approche. Pourtant, les mamans cantines doivent continuer à préparer du riz, au moins trois fois par semaine, sous formes variées : riz blanc, riz aux haricots, pâte de riz, riz au gras. Elles souhaitent pouvoir disposer d’un stock de riz toute l’année, afin de ne pas être soucieuse en période de rupture de l’offre.
NB : Située au Nord-Ouest du Togo, la région de Kara gère 27 cantines scolaires sur les 85 de la préfecture de Dankpen, l’une des plus pauvres du pays. Elle bénéficie ainsi à 9 500 élèves, dont 48 % de filles. Au total, Dankpen distribue 925 000 plats toutes les semaines. L’objectif de cette étude est de favoriser la sécurisation des stocks en matière première des mamans cantines en les incitant à contractualiser avec les producteurs de riz de la région, plutôt que de faire appel à des aliments importés.
extérieur de la cuisine pour la cantine scolaire
Dans l’épisode 3, Ilona nous racontera sa rencontre avec les producteurs de riz de Katchamba.
crédits photos : Ilona Gordien