Kindia-Orvault, Territoires de solidarité climatique : interview de Virginie Bineau, Directrice de Guinée 44

Parce que la Guinée est frappée par une déforestation massive, qui menace l’adaptation au changement climatique du pays, Guinée 44, la municipalité d’Orvault et l’inter-collectivité de Kindia se sont réunies pour conduire une initiative de lutte contre la déforestation basée sur la diffusion de cuiseurs écologiques et le reboisement.
A quels enjeux répond l’initiative pilote « Kindia-Orvault, Territoires de solidarité climatique » comment a-t-elle été co-construite et qu’est-ce qui motive cette coopération ?
Cette initiative répond aux enjeux d’adaptation aux changements climatiques, à Kindia, en Guinée et à Orvault, en France. L’enjeu, de cette initiative, vise, face à ces enjeux communs, à mutualiser les compétences de ces territoires pour mieux agir en réciprocité : la ville d’Orvault disposant de compétences en termes d’analyse des risques climatiques pour mieux les anticiper et la métropole de Kindia, d’un savoir-faire en termes de capacité de mobilisation sociale, beaucoup plus forte en Guinée qu’en France.
L’intercommunalité qu’on appelle le « Grand Kindia » est composée de communes urbaines et de communes rurales. Guinée 44 a été créée dans le cadre d’une coopération décentralisée, entre le département Loire-Atlantique et la commune urbaine de Kindia. Les questions climatiques en particulier et la question de la biodiversité en général sont des enjeux partagés par les deux territoires. Les équipes politiques à la tête de notre métropole sont très engagées sur la thématique de la transition écologique. À Kindia, c’est aussi un enjeu majeur, car depuis 10 ans, le territoire est très impacté par une déforestation massive. La forêt disparaît à une vitesse incroyable et cela amenuise la capacité d’adaptation du territoire aux changements climatiques. En Guinée, les changements climatiques se font déjà ressentir à l’exemple du changement des rythmes de pluies.
Orvault est labellisé territoire engagé en transition écologique, un label donné par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). La ville dispose d’une méthodologie de diagnostic territorial sur les enjeux du climat, de l’air et de l’énergie. C’est pourquoi, dans le cadre de cette initiative, nous avons souhaité mettre cet appui à disposition de Kindia pour réaliser le diagnostic de la situation du territoire et identifier les grandes causes de déforestation. À Kindia, c’est la coupe de bois de cuisson et la culture sur brûlis, qui en sont, pour partie, responsables.
Comment avez-vous intégré la question de la solidarité climatique dans les programmes éducatifs pour les jeunes à Kindia et Orvault ?
En Guinée, nous avons réalisé un film, d’une quinzaine de minutes, accessible aux enfants, à partir de 10 ans : Un arbre vaut plus que son bois. Dans ce film, des enfants guinéens vont à la pêche et se rendent compte que la biodiversité change, que la forêt est de plus en plus loin, et qu’il y a de moins en moins d’eau dans la rivière. Ils font la rencontre d’un vieillard qui leur explique le lien entre la déforestation et le cycle de l’eau. Ce film aborde les changements climatiques de façon simple mais très concrète et est projeté dans des écoles de Kindia et d’Orvault. Ce support a permis, en dialogue avec les instituteurs, d’insérer cette thématique dans les programmes scolaires. Auparavant, nous agissions uniquement dans un cadre périscolaire. Pour que cette entrée au programme ait du sens, nous avons profité des thématiques déjà abordées telles que la lutte contre le gaspillage scolaire et la sensibilisation des enfants à la saisonnalité des fruits. Ce film permet d’avoir une approche partagée des enjeux, entre les élèves de Kindia et d’Orvault, qui comprennent ainsi qu’ils vivent sur la même planète et qu’ils ont chacun un rôle à jouer pour préserver le climat.
Quels sont les principaux impacts de cette démarche sur ces deux territoires et quelles sont les prochaines étapes de votre démarche commune ?
En décembre 2024, nous avons emmené en mission, en Guinée, la Directrice de la transition écologique d’Orvault. C’était, pour elle, une découverte de l’Afrique, une première étape pour qu’elle puisse mieux comprendre le contexte guinéen, éloigné des compétences techniques des villes françaises sur les questions d’adaptation aux changements climatiques. À son retour de mission, nous avons été mis en lien avec le Conseil de la Transition Écologique d’Orvault. C’est un conseil de citoyens, qui travaille sur différents sujets. Dernièrement, ils nous ont demandé de réfléchir à la sensibilisation des jeunes au numérique et à ses conséquences. Comment présenter la chaîne de valeur que cela représente avec, en début de chaîne, l’approvisionnement en minerais, une problématique qui touche la Guinée, où il y a beaucoup d’industries extractives qui ravagent le pays. Depuis, nous sommes plus en lien avec les centres sociaux et culturels pour voir comment aborder ces questions avec les jeunes. Notre démarche crée un maillage associatif sur le territoire : elle participe à la création de liens entre la diaspora guinéenne de notre métropole et les structures sociales d’accueil ainsi qu’à la création de synergies entre des associations et des structures qui travaillent sur des questions écologiques.
La prochaine étape, c’est le dépôt d’un dossier à l’ambassade de France, au Service de Coopération et d’Action Culturelles (SCAC), pour obtenir plus de moyens pour développer notre projet en Guinée notamment dans la commune rurale de Molota située dans le Grand Kindia. C’est une commune où il y a une dizaine de sources de rivières qui alimentent la grande rivière qui approvisionne Kindia en eau. La déforestation et la présence de deux entreprises minières qui ont obtenu un permis de s’installer sur cette zone font courir un risque majeur d’assèchement à ce territoire. C’est pourquoi la prochaine étape de notre démarche vise à obtenir ce cofinancement pour cartographier, de façon précise, les sources de ces rivières et ainsi identifier les zones où il est urgent de reboiser et de mettre en place des mesures pour arrêter les industries minières. Actuellement, le projet repose sur du reboisement et la diffusion de cuiseurs écologiques pour éviter les coupes de bois, mais il y a beaucoup plus à faire. Ainsi, serait-il important de travailler avec le secteur du bâtiment pour éviter la coupe de bois dédiée à la cuisson de briques de construction, ou bien encore, pour ce qui concerne le secteur de l’agriculture, d’endiguer la culture sur brûlis. On espère pouvoir faire tout cela dans les prochaines années et ainsi poursuivre l’accompagnement de la stratégie climat du Grand Kindia.
Merci à Virginie Bineau pour cette interview.
Cette initiative fait partie du programme Coopérer autrement en acteurs de changement soutenu par l’Agence française de développement, la Fondation de France et les donateurs du CFSI. Pour renforcer et élargir nos actions, faites un don.
Crédit photo : © GUINÉE 44