CAAC : Les jeunes, porte-paroles du développement durable au Bénin, Togo et en France
Pour les jeunes agriculteurs, le changement climatique et la préservation des ressources est un enjeu primordial, qui menace à la fois les moyens de production mais aussi la qualité de notre alimentation.
Les Maisons Familiales Rurales (MFR) sont des centres de formation spécialisés dans la formation des jeunes et des adultes en alternance sur les métiers ruraux. En France, le mouvement des MFR compte 495 associations responsables de la formation de 70 000 jeunes chaque année. Au fil du temps, ce concept créé en 1937 a essaimé puisque 22 fédérations MFR françaises sont actuellement en partenariat avec 23 mouvements MFR dans le monde, dans le but de défendre les valeurs de solidarité internationale auprès des jeunes et entre les pays.
Le projet soutenu par le programme Coopérer autrement en acteurs de changement est porté par la Fédération nationale des Maisons Familiales de formation Rurale du Togo (FMFRT) en partenariat avec l’Union Béninoise des Maisons Familiales et Rurales (UBMAFAR) et l’Union Nationale des Maisons Familiales et Rurales d’Education et d’Orientation (UNMFREO). Pour la France, il associe entre autres les Fédérations MFR de Drôme Ardèche, Loire Auvergne et de Vendée. Son objectif est de co construire des pratiques agroécologiques pour les jeunes ruraux en valorisant les échanges interculturels.
Julien Komi LOKOKPE, Directeur Animateur de la MFR Togo a accepté de répondre à nos questions.
Comment le projet est-il né ?
Le projet se situe dans une problématique mondiale de changement climatique, de production et de consommation responsable.
En tant que centre de formation agricole, nous avons commencé à réfléchir à comment mettre au cœur de nos actions le développement durable et l’agroécologie. En impliquant les jeunes en formation, des administrateurs de MFR et les acteurs du territoire, nous espérons en faire des ambassadeurs du développement durable.
Dans le cadre du programme Coopérer autrement en acteurs de changement, nous sommes les premiers à proposer ce travail commun entre pays. Le Togo et le Bénin vivent des situations similaires en termes de changement climatique et de production agricole. C’était l’occasion de commencer un travail commun.
Pourriez-vous nous présenter votre initiative ?
Notre volonté première est de sensibiliser les jeunes dès leur formation agricole et rurale à la problématique du changement climatique mondial et à la nécessité d’une production et d’une consommation plus responsables. Il faut que chaque jeune qui sort d’une MFR soit tout de suite sensible aux problématiques du développement durable.
Ensuite, les projets des MFR sont portés par des administrateurs et impliquent des acteurs du territoire : des élus, des responsables qui travaillent dans la zone de la MFR : ils ont un grand rôle à jouer et il faut les intégrer dans le processus.
Enfin, nous souhaitons faire des synergies avec d’autres centres de formation reconnus en termes de développement durable afin de tirer profit de leur expérience.
Depuis janvier 2024 nous travaillons sur 3 champs d’action :
- L’animation d’échanges entre une soixantaine de jeunes du Togo, Bénin et de France sur les enjeux globaux du développement durable, les systèmes alimentaires, les migrations. L’objectif est qu’ils prennent conscience de ce qui se passe au niveau mondial pour qu’ils puissent construire quelque chose ensemble, pour nous et les générations à venir.
Par exemple, le Togo et le Bénin sont confrontés à des périodes de pluies erratiques, qui perturbent négativement la production alimentaire. En ce moment, nous souffrons, comme en France, d’une grande chaleur. Dans un contexte d’accroissement de la population, il faut trouver des solutions et responsabiliser tous les citoyens à agir tout de suite pour que cela puisse changer demain.
- A l’attention d’une quarantaine d’administrateurs et des moniteurs de MFR, nous avons organisé deux formations – l’une au Bénin et l’autre au Togo pour les inciter à réfléchir ensemble – dans deux centres réputés en agroécologie. L’idée est de leur donner les connaissances de base afin qu’ils puissent mettre en place une stratégie de long terme pour le développement de plans de formations dédiés à l’agroécologie dans leurs MFR.
- Concernant les autres acteurs du territoire, comme les collectivités territoriales : les jeunes se sont rendus compte que la concrétisation des idées nécessitait l’implication active de ces parties prenantes. Ils ont participé à des activités de sensibilisation (entre les séances de dialogues structurés) pour échanger avec des conseillers de mairie, des producteurs, des comités de développement villageois afin de trouver des solutions ensemble et de les faire perdurer.
S’agissant des partenariats, nous avons décidé de nous ouvrir à d’autres acteurs afin de rendre concret et opérationnel nos actions. Une plateforme numérique sur la thématique de l’agroécologie a été mise en place pour permettre d’échanger les expériences, les bonnes pratiques et d’animer des débats.
En quoi le travail pluri-acteurs et multi-pays est-il enrichissant ?
Pour les jeunes, les échanges provoquent un déclic, une réelle ouverture sur le monde. Ils prennent soudainement conscience qu’ils vivent une situation dans leur pays mais que ce n’est pas du tout pareil ailleurs. Les jeunes togolais sont curieux de comment ça se passe en France : la qualité de l’alimentation, comment les jeunes français vont à l’école… Par exemple, les français ont été très étonnés de savoir qu’au Togo et au Bénin les villes étaient envahies de déchets plastiques. A l’inverse, cela a ouvert les yeux des togolais et béninois sur ce type de pollution. Ces échanges auront des impacts sur le long terme plus tard.
C’est la première fois que 3 mouvements MFR se rassemblent pour travailler sur une thématique précise. Dans le comité de pilotage nous réfléchissons et prenons des décisions ensemble, cela rend très concret nos actions. Sinon le développement durable reste une notion abstraite dans les discussions.
On dit tout le temps qu’il faut sensibiliser les élus locaux, or les jeunes ça joue beaucoup. Nous nous sommes rendu compte que leur voix pesait vraiment, que les élus avaient vraiment envie d’écouter ce qu’ils avaient à apporter. Ils sont au cœur des défis et ont la capacité d’influencer et de peser réellement sur leur prise de décision, même plus que les adultes !
La plateforme multi-pays et multi-acteurs est un réel apprentissage. C’est la première fois que nous faisons cela, et ça permet d’encourager la réflexion, de partager des expérimentations en termes d’agroécologie avec les jeunes, de partager les actions de sensibilisation. Deux référents pédagogiques vont essayer d’y lancer des débats. Pour l’instant l’outil réunit une cinquantaine de personnes : des anciens élèves de MFR, des administrateurs, des moniteurs de MFR. Nous allons l’ouvrir à des collectivités, des acteurs du développement, on a envie de créer une communauté très large.
Quelles sont les perspectives d’avenir pour ce projet ?
Que ce soit les jeunes ou les partenaires, ils ont tous commencé un travail formidable : le développement durable ne se fera pas en un jour et nécessite la participation active de toutes les parties prenantes sur le long terme.
Il faut continuer à soutenir et développer ce projet, continuer à développer les partenariats pour la mise en place de solutions et d’actions concrètes.
Nous allons mettre en place des actions concrètes d’agro écologie au niveau de nos centres de formation, animer les échanger entre les acteurs et accompagner les jeunes et les administrateurs dans leur travail de sensibilisation et partager notre initiative au travers un documentaire pour sensibiliser la grande masse de population.
Merci à Julien Komi LOKOKPE pour cette interview.
Cette initiative fait partie du programme Coopérer autrement en acteurs de changement soutenu par l’Agence française de développement, la Fondation de France et les donateurs du CFSI. Pour renforcer et élargir le programme, le CFSI recherche 80 000 euros chaque année, faites un don.
Crédit photo : © MFFR Togo