L’alimentation

Le 14 novembre dernier, les membres du CFSI se sont réunis en la présence de François Collart Dutilleul professeur émérite et spécialiste du droit à l’alimentation et Emile Frison, membre d'Ipes Food, ancien président de l'Alliance des centres du CGIAR de 2003 à 2011, afin de construire ensemble une nouvelle charte de valeurs communes.
Penser l’alimentation comme un bien « commun »
François Collart Dutilleul ouvre les débats en faisant un parallèle entre le droit à l’alimentation et la notion de « commun ». Cette notion très ancienne se réfère aux communaux, des terres d’accès libre où les paysans pouvaient laisser paître leurs bêtes, couper du bois, tailler des ajoncs… La première révolution libérale et le développement de la propriété privée, ont fait disparaître une grande partie de ces biens communs en Occident.
Si on traite la question des communs en partant des droits fondamentaux, alors il serait opportun de penser l’alimentation comme un commun, nécessaire à la survie de l’Humanité. Ainsi, nul ne devrait disposer d’un monopole sur un bien vital au détriment d’un autre.
Pas de solutions possibles sans une approche politique
La nature, l’agriculture et la nourriture sont indissociables et liées à un territoire, à une culture. Comment en organiser la gouvernance ? A quelle échelle ? Si on prend l’exemple de l’eau, les entités administratives existantes ne sont pas adaptées à une gestion cohérente et durable. Cela pose la question de la démocratie alimentaire et de la capacité des citoyens de s’emparer de la question de leur alimentation, de sa production, de son impact sur le territoire. Cela pose également la question de la transposition des initiatives territoriales réussies à l’échelle mondiale.
François Collart Dutilleul nous explique la #DémocratieAlimentaire en vidéo 

La démocratie alimentaire, c'est quoi ? from CFSI ALIMENTERRE on Vimeo.
Défendre une « exception agricole et alimentaire »
La production agricole ne peut être considérée au même titre que les autres biens qui s’échangent sur les marchés. La nature, l’agriculture et la nourriture sont indispensables à la vie : il est inconcevable de les laisser aux mains de spéculateurs boursiers. C’est pourquoi, apparait l’idée « d’exception agricole et alimentaire », au même titre que l’exception culturelle.
Pour conclure, reprenons une citation de Michel Serres, pour Alimentation générale, 2017
«  Manger est le premier acte vital, certes, mais, en raison de cette iniquité, un acte social, politique, juridique, moral et, sans doute aussi, sacré, puisque presque toutes les religions en font un rite. (…)
Le paysan est le père nourricier de l’humanité. Il occupe, en cela, une position exceptionnelle dans la condition humaine. Aucun professionnel ne lui est comparable. Or, une autre injustice, la même sans doute, accule aujourd’hui la paysannerie à la ruine, alors que nul ne pourrait se passer d’elle.
Il est donc de nécessité vitale, de justice politique et morale, mais aussi d’urgence historique d’établir une exception agricole comparable à l’exception culturelle qui n’en est, finalement, que la copie, puisque la culture agraire elle seule nous permet de survivre. »
Relever les enjeux de l’agriculture et de l’alimentation de la prochaine décennie
Emile Frison clôture les débats en rappelant les grands enjeux des 10 années à venir. Depuis 50 ans, le rendement a été privilégié au détriment de la qualité nutritionnelle. Au niveau environnemental, la planète est à bout de souffle. La tâche est immense et les propositions sont nombreuses : casser le système de pensée unique dans les universités, définir des indicateurs plus complets que le PIB qui intègrent par exemple, l’utilisation des ressources naturelles, orienter l’investissement public vers des systèmes de productions durables…
De nombreux défis attendent le CFSI et ses membres, qui ont clôturé cette journée par un brainstorming sur les lignes directrices de leur action collective en faveur d’une agriculture et d’une alimentation durables et solidaires.
 

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