Quand la lutte contre la pauvreté passe par le « consommer local »

Quand la lutte contre la pauvreté passe par le « consommer local »

Interview de Tata Amétoenyenou, directeur de l’Oadel.

L’association togolaise Oadel a ouvert une boutique-bar-restaurant au cœur du quartier populaire de Bé, à Lomé, afin de sensibiliser à l’achat de produits du terroir togolais. Pour Tata Amétoenyenou, la lutte contre la pauvreté passe par le « consommer local ».

Pourquoi la production agricole togolaise a-t-elle besoin d’être soutenue ?
L’agriculture représente aujourd’hui près de la moitié du PIB, et pourrait produire davantage de richesse encore avec des investissements. 50 % du riz, 50 % du poisson et 60 % de la viande viennent de l’étranger. Le marché de l’huile est aussi de plus en plus envahi par des produits d’importations. Il faut réunir les conditions pour que les agriculteurs ne soient pas en compétition avec les importations subventionnées, et puissent se nourrir eux-mêmes, ainsi que les populations urbaines.

Les autorités togolaises ont-elles évolué ces dernières années par rapport au « consommer local » ?
L’État est passé d’un soutien aux filières d’exportations (café, cacao) à un soutien aux productions vivrières, comme moteur de la croissance économique. La part de son budget consacré à l’agriculture qui avait chuté sous les 2 % est aujourd’hui à 7 %. Il existe des subventions pour les agriculteurs, les unités de transformation et pour la communication autour des produits togolais, qui pourraient devenir un critère de choix pour l’attribution des marchés publics : les ministères de l’Agriculture et du Commerce travaillent sur une directive pour encourager les hôtels et restaurants à acheter local. Autre perspective intéressante : mise en place de cantines scolaires financées par l’Etat et le Programme alimentaire mondial (PAM), où les produits locaux pourraient être favorisés.

La consommation locale est donc reconnue ?
Oui, l’Oadel a par exemple été soutenue pour ses actions de promotion de la consommation locale, chose inimaginable il y a quelques années. Le ministère de l’Agriculture fait appel à notre service traiteur pour ses évènements. Nous avons fait beaucoup de sensibilisation depuis 10 ans (émissions de radio, projections de films, porte à porte, rencontres-dégustations avec les chefs d’entreprises, les fonctionnaires, les responsables d’hôtels et restaurants). Le principal problème est la disponibilité inégale des produits locaux. Il reste beaucoup à faire du côté de leur transformation (mécanisation, qualité, etc.)

Quel rôle joue la grande distribution ?
Elle se développe rapidement à Lomé avec des enseignes françaises, libanaises, etc. Nous avons pour le moment échoué à créer des rayons valorisés « produits du terroir ». Les denrées locales sont toujours reléguées aux étagères les plus basses et le système de dépôt-vente imposé par les supermarchés n’est pas intéressant. Nous continuons donc à améliorer la qualité sanitaire, notamment avec la recherche pour la certification des produits. Et nous poursuivons les campagnes d’information pour que les gens sachent que les produits locaux transformés de qualité existent.

Propos recueillis par Hélène Basquin – CFSI, novembre 2015

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